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Sous la pression du loup et de l’urbanisation

Installée depuis 1998, Cécile Desproges a divisé son cheptel par deux face à la pression foncière.

Cécile et Guillaume Desproges ont perdu une cinquantaine de bêtes dévorées par le loup, depuis le début de l’année. Leur élevage subit aussi la pression foncière de la Côte d’Azur.

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Entre les attaques incessantes de loup et l’urbanisation galopante, l’élevage de Cécile Desproges, en Gaec depuis 2024 avec Guillaume son époux, est suspendu à un fil. La dernière attaque a eu lieu le 31 mars 2025 sur le siège de l’exploitation à Bormes-les-Mimosas (Var). Le prédateur a tué huit cabris qui venaient de naître.

Les bêtes de Cécile et Guillaume, installés en système herbassier (1), vivent dehors toute l’année. Elles pâturent sur des terrains communaux au travers de conventions de pâturage, ainsi que dans les vignes d’une dizaine de domaines environnants et chez des particuliers. Depuis un an et demi, la pression du loup n’a jamais été aussi forte. « Parfois c’est deux fois dans le mois, puis plus rien, indique l’éleveuse épuisée par la menace constante qui pèse sur son élevage. Sur l’année, cela représente une attaque toutes les trois semaines. » Au cours des dix derniers mois, elle a perdu une cinquantaine de bêtes. Sur les dix béliers de son troupeau, 8 ont été décimés. Elle a dû en racheter quatre.

Transhumance

« Les meutes grandissent, se désole Cécile Desproges. Nos bêtes se trouvent à proximité d’habitations, mais il y a beaucoup de collines tout autour. Les loups trouvent refuge dans le maquis où il y a de la nourriture, et aucun rival naturel pour limiter la population. De plus, en zone urbaine, les tirs ne sont pas autorisés. Nous avons bien obtenu la venue de deux louvetiers durant trois jours cet hiver, toutefois cela n’a rien donné. » Elle chiffre les pertes, depuis le début de l’année, autour de 8 100 €, sans compter celles subies en alpage. Du 1er juin au 30 septembre, son troupeau transhume en effet dans les parcs du Mercantour et du Verdon, deux secteurs à forte prédation. En 2024, elle a ainsi perdu dix brebis en montagne.

Les indemnisations portent uniquement sur les carcasses retrouvées et attestées comme victimes du loup. Or, les pertes vont bien au-delà : animaux disparus, stress du troupeau, baisse de la production, sans compter le temps et l’énergie consacrés aux démarches administratives. La crainte de Cécile ? Une réduction de l’aide ovine de la Pac, essentielle à l’équilibre économique de l’exploitation. Et puis, il y a son propre épuisement. La MSA de Hyères lui a suggéré de rejoindre le dispositif « Aide au répit ». Elle compte s’y inscrire pour suivre des séances d’hypnose et tenter de souffler un peu.

Depuis 2024, la viande d’agneau et de cabri est vendue à la ferme auprès d’une vingtaine de clients particuliers. (©  Chantal Sarrazin)

Pâturages en milieu urbain

À cela s’ajoute la difficulté d’élever des brebis sur la Côte d’Azur, où la pression foncière est intense. « Chaque année, je perds des parcelles, constate Cécile. J’ai donc dû réduire la taille de mon troupeau. Quand j’ai repris l’exploitation à la suite de mon père en 1998, j’avais 600 bêtes. Aujourd’hui, c’est deux fois moins. » Les pâturages en milieu urbain sont indispensables au retour de l’alpage en septembre. « Il y a de l’herbe à manger ici, contrairement aux collines où tout est sec à cette période », précise l’éleveuse.

La poussée de la ville a d’autres conséquences. « Les habitants utilisent nos pâturages pour promener leurs chiens, explique Cécile Desproges. Leurs déjections souillent l’herbe, les brebis le sentent, et refusent de se nourrir. Autrefois, elles restaient facilement deux semaines à ces endroits, c’est encore un peu plus de ressources que nous perdons. » Les relations avec ces citadins deviennent aussi de plus en plus compliquées. « Nous les gênons, constate avec amertume l’agricultrice. Ils se plaignent du bruit des cloches, des odeurs, des crottes sur les routes et se montrent très impatients quand nous sommes sur les routes avec nos troupeaux. »

Heureusement, elle a le soutien des familles natives de Bormes-les-Mimosas qui ont toujours connu l’élevage dans la région. Si l’éleveuse résiste, c’est pour que les paysans continuent à exister dans ce pays.

(1) Élevage ovin à viande sans terre dans le Sud-Est.

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